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lant, aperçoit un guerrier devant elle. Le saisissement, la frayeur, lui ôtent la parole et lui font couvrir le visage. Le chevalier s’empresse de la rassurer. Ne vous effrayez pas, madame, lui dit-il, je ne veux point vous faire peur ; daignez m’apprendre comment il se fait qu’une personne de votre âge se trouve seule en ces lieux et à pareille heure. Veuillez me raconter votre aventure, m’expliquer par quel moyen, par quelle adresse il vous a été possible de vous rendre ici. La jeune personne alloit répondre, mais la crainte s’empare d’elle en pensant qu’elle n’étoit plus dans le verger du château. Pour s’en assurer, elle demande au chevalier. Où suis-je, lui dit-elle ? Aimable damoiselle vous êtes au gué de l’Épine, lieu où il arrive des aventures tantôt agréables et tantôt malheureuses. Ah Dieu ! quel bonheur pour moi ! Sire, j’ai été, votre amie. Dieu a exaucé ma prière. Ce fut la première aventure qu’il arriva pendant la nuit au chevalier. Il descend de cheval, court embrasser sa maîtresse, la prend entre ses bras, la couvre de baisers,