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LAI DE L’ÉPINE.

Elle tremble pour son amant, dont elle desire partager les dangers, et ne songe plus qu’aux moyens de s’échapper pour se rendre à l’endroit désigné. Quand vint le soir, le prince, qu’enflamme la vaillance, étant armé de toutes armes, monte sur son bon cheval et se rend droit au gué de l’Épine. Que fait pendant ce temps la pauvre jeune personne[1] ? Elle descend au verger, dans le dessein de prier le ciel d’être favorable à son amant, afin qu’il revienne sain et sauf. Assise sur le tronc d’un arbre, elle soupire, pleure et se plaint. Ah ! Père céleste, qui avez été et serez toujours, daignez écouter ma prière ; aucune n’a été faite avec plus de ferveur, et même par l’être le

  1. Le Grand d’Aussy, pour répandre plus d’intérêt sur son héroïne, a jugé à propos d’ajouter, en parlant de la jeune princesse : « avec le secours de ses draps « qu’elle attacha le matin à sa fenêtre, tandis que les surveillantes dormoient encore, elle descendit dans le verger et se rendit au gué du Buisson. » On voit qu’il n’est rien de tout cela, et que la princesse ne se rend dans le verger que pour y faire sa prière.