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LAI DE L’ÉPINE.

intime. Cette amitié d’enfance se changea en un violent amour ; ainsi l’ordonne nature. Au lieu de ces jeux innocents qui les avoient amusés, c’étoient des caresses tendres et des baisers brûlants. Déja pour les savourer avec plus de liberté, ils savoient tromper les yeux de leurs surveillants. Leur amour devint si vif, ils apportèrent si peu de prudence dans leurs démarches, que bientôt leur passion fut connue de tout le monde, et que leur bonheur fut troublé.

Un jour que le jeune prince, si vaillant et si beau, revenoit de la pêche, accablé de chaleur et de fatigue, il se rendit dans une chambre écartée, afin de n’être pas dérangé par le bruit, et se jeta sur un lit pour reposer. La reine étoit dans ses appartements occupée à instruire la jeune personne ; sitôt que cette dernière est instruite de l’arrivée de son ami, sans dire mot et sans être accompagnée de personne, elle se rend de suite dans la chambre où reposoit le prince. Il la reçut avec d’autant plus de plaisir, qu’il ne l’avoit pas vue de la journée. La jeune personne, fort innocente, ne