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LAI DE GRAELENT

geois de la cité dont il avoit reçu quelques services. Aussi tous lui portoient autant d’honneur et de respect qu’ils en auroient porté à leur seigneur.

Graelent, au comble du bonheur, n’aperçoit aucun objet qui puisse lui déplaire. Il peut voir sa mie aussi souvent qu’il lui plaît, rire et jouer avec elle. Comment pourroit-il s’ennuyer la nuit, puisqu’il la sent à ses côtés ? Malgré son état heureux, le chevalier alloit souvent en voyage ; il ne se donnoit pas de tournoi dans le pays où il ne se rendît l’un des premiers, et où il ne remportât le prix. Aussi étoit-il grandement estimé des chevaliers. Que Graelent est donc fortuné ! quelle joie ne reçoit-il pas de sa mie ! Pareil bonheur ne peut longuement durer, on n’ose pas même y croire.

Il y avoit près d’un an que le roi devoit lever des troupes ; et à chaque année, à l’époque de la Pentecôte, le roi tenoit une cour plénière ; il invitoit à cette fête ses barons, ses chevaliers, tous ceux enfin qui relevoient de sa couronne, lesquels avoient l’honneur de manger avec lui. Après le