Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/525

Cette page a été validée par deux contributeurs.
509
LAI DE GRAELENT

d’avoir obtenu le don d’amoureuse merci. L’ayant conduite dans l’épaisseur de la forêt, il ravit de force ce qu’on refusoit à ses prières ; à peine se fut-il rendu coupable, qu’il lui demanda pardon ; daignez ne pas m’accabler de votre courroux, soyez assez bonne pour m’accorder votre amour ; vous serez mon amie que j’aimerai et servirai loyalement toute ma vie.

Pendant ce discours la belle dame réfléchissoit que Graelent étoit honnête, sage, bon chevalier, hardi et généreux. Si elle vient à le refuser, elle ne trouvera jamais un pareil amant ; elle se résout à lui accorder son amour et un baiser scella la réconciliation. Avant de nous quitter, Graelent, daignez m’écouter. Vous m’avez surprise, et malgré votre faute, je vous aimerai tendrement. Mais je vous défends de prononcer un seul mot qui puisse faire connoître notre liaison. Je vous donnerai de l’or, de l’argent, de riches vêtements, en abondance. Maintenant que nous sommes l’un à l’autre, nuit et jour je serai près de vous ; nous pourrons causer et rire ensemble sans que