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LAI D’ELIDUC.

Eliduc n’étouffât de colère. Misérable, parjure, traître, tu dois t’estimer heureux que je ne puisse quitter mon amie, tu payerois chèrement l’insulte que tu viens de me faire. En effet il la tenoit entre ses bras pour la réconforter et lui donner courage contre l’irritation de la mer. Mais dès que Guillardon eut entendu que son amant étoit marié, elle tomba sans connoissance, perdit à-la-fois la couleur, le pouls et la respiration. Les chevaliers qui aidèrent à la transporter, étoient persuadés qu’elle avoit cessé de vivre. Transporté de fureur, Eliduc se lève, vient vers l’écuyer auteur de ses maux, saisit un aviron, lui en décharge un coup sur la tête et l’étend à ses pieds. Ses compagnons, témoins de sa mort, ramassent le corps du jeune homme, le jettent à la mer, et les vagues l’ont bientôt fait disparoître. Eliduc se transporte au gouvernail et par ses soins le vaisseau entre dans le port. On jette l’ancre, on dresse le pont, et chacun sort. Eliduc fait descendre avec précaution son amie qui étoit encore évanouie et qui paraissoit ne plus exister. Son désespoir étoit