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LAI D’YWENEC.

Elle traverse successivement deux pièces, l’une petite, l’autre plus grande ; elles étoient occupées chacune par un chevalier qui dormoit, mais à la troisième, elle trouve le lit de son amant. Les soutiens sont en or émaillé, et l’on ne pourroit estimer la valeur des couvertures, des chandeliers et des cierges qui brûlent nuit et jour, parce qu’ils valent tout l’argent d’un royaume. Sitôt qu’elle fut entrée la dame reconnoît son amant ; toute effrayée du spectacle qu’elle aperçoit elle perd l’usage des sens. Le chevalier qui l’aime tendrement lui prodigue des secours malgré la douleur qu’il éprouve de ses blessures. Sitôt qu’elle fut revenue, le chevalier cherche à la consoler, et lui dit : Belle amie, au nom de Dieu, je vous en conjure, sortez d’ici, car je mourrai vers le milieu de la journée. Le chagrin qu’éprouveront mes gens sera si grand que si vous étiez trouvée ici vous pourriez être insultée. Mes chevaliers n’ignorent pas qu’ils me perdent par suite de notre amour, et j’éprouve pour vous beaucoup d’inquiétude. La dame lui