Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
LAI D’YWENEC.

le mari eût des enfants, sans que la dame sortît de la tour, et sans voir ses parents ou ses amis. Lorsqu’elle alloit se coucher, aucun chambellan ou domestique n’entroit dans sa chambre pour allumer les flambeaux. La pauvre femme devient si triste de sa position qu’elle passe des journées entières dans les soupirs et dans les larmes. Ne prenant aucun soin de sa personne, elle perd presque toute sa beauté et maudit ses attraits qui ont causé son malheur.

Au commencement d’avril, saison où les oiseaux font entendre leurs doux chants, le seigneur s’apprêta de grand matin pour aller à la chasse. Avant de partir il ordonne à la vieille de se lever pour fermer les portes sur lui. Après avoir obéi, la vieille prend son livre de prières et se met à lire. La dame se réveille, et déjà des pleurs inondent son visage ; elle est aperçue de la vieille qui n’y fait pas attention. Elle se plaignoit et soupiroit. Dieu ! que je suis malheureuse d’être au monde ! Ma destinée est de vivre dans cette prison, d’où je ne sortirai qu’après