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LAI DEL FREISNE.

Pur li honurer le feseit
Kar L’Erceveske i esteit
Pur eus beneistre è enseiner,
Ceo afereit à sun mestier : [1]
Quant la chaumbre fu délivrée,
La Dame ad sa fille amenée ;410
Ele la volt fère cuchier,
Si la cumande à despolier.
Le pali esgarde sur le lit
Que unke mès si bon ne vit
Fors sul celui ke le dona
Od sa fille ke le céla.
Adunc li remembra de li,
Tut li curages li frémi.
Le chamberlenc apele à sei :
Di mei, fet-ele, par ta fei420
U fu cest bon pali trovez ?
Dame, fet-il, vus le sauerez,
La Dameisele l’aporta,
Sur le covertur le geta ;
Kar ne li sembla mie boens,
Jeo quit que le pali est soens.
La Dame l’aveit apelée,
E ele est devant li alée :
De sun mauntel se deffubla,
E la mère l’areisuna :430
Bele amie, nel’ me celez,
U fu cist bons palis trovez !

    de sa rivale, lui fait tous les honneurs, et toutes deux elles reviennent auprès de leurs époux. Voy. le Grand d’Aussy ; Fabliaux, tom. I, p. 269, Ginguené, histoire littér. d’Italie, tom. III, p. 111 et 112.

  1. Dans les temps à jamais funestes de la féodalité, il n’étoit pas permis à deux époux de coucher ensemble avant que leur lit n’eût été béni. L’archevêque ou l’évêque ne se dérangeoit que pour les rois et les princes, les curés pour les gens riches, et le moindre prêtre pour la classe ouvrière. Les ecclésiastiques recevoient, pour avoir marmoté quelques prières qu’ils n’entendoient pas plus que les assistants, un certain droit que l’église ou plutôt ceux qui sont censés la représenter avoient appelé le plat de noces. Les lits, anciennement meubles de parade et d’ostentation, étoient couverts de tapis et d’étoffes précieuses presque toujours bordés de pelleteries. Aussi le lit d’un noble étoit-il d’un prix fort élevé. Les ecclésiastiques toujours avides de richesses et sûrs de l’impunité, engagèrent les gens de qualité à léguer aux églises où ils étoient inhumés, leur lit avec tous ses ornements ainsi que leur cheval et leurs armes. Cet usage fut un de ceux que le clergé changea en obligation et en loi. De là ces revenus immenses puisqu’il falloit à la mort racheter son lit. Bientôt il fallut payer pour les trois premières nuits des noces ; la sépulture fut refusée à tout individu qui, dans son testament, n’abandonnoit pas aux prêtres une partie de ses biens, etc. Voy. du Cange, Glossar. lat. aux mots Lectus, Testamentum. Saint-Foix, Essais hist. sur Paris, tom. I, p. 114. Le Grand d’Aussy, Fabliaux, tom. I, p. 321.