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LAI DU FRÊNE.

abbesse qui l’avoit élevée et nourrie en lui rendant la bague et l’étoffe de lui avoir appris comment elle avoit été abandonnée dès sa naissance, et par quel hasard elle étoit tombée entre ses mains. Connoissant l’importance dont ces deux objets étoient pour elle, Frêne n’avoit garde de les oublier. Aussi en prenoit-elle le plus grand soin et veilloit sans cesse à ce qu’ils ne s’égarassent.

Buron dont la tendresse étoit extrême conduisit sa belle maîtresse dans sa terre, où elle se fit aimer et chérir de tous ceux qui la connurent. Ils étoient depuis long-temps ensemble, lorsque les chevaliers exposèrent à plusieurs reprises à leur seigneur qu’ils seroient flattés de lui voir épouser une femme de son rang, et de renvoyer son amie, afin d’avoir un héritier. Les chevaliers lui font entrevoir que s’il laisse sa terre à un étranger ou à sa mie, ils ne le tiendront plus pour seigneur, et qu’ils cesseront de le servir. Buron forcé de déférer à l’avis de ses chevaliers, leur demanda quelle femme de la province il pourroit prendre. Sire, ici près est un prud’homme,