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LAI DU FRÊNE.

Le voisin remercie le ciel du bonheur qu’éprouve son ami, et fait présent d’un superbe cheval à l’envoyé[1]. Sa femme qui mangeoit aux côtés de son époux, se mit à sourire en écoutant le récit du messager ; elle étoit fausse, hautaine, médisante et envieuse. Cette dame parla fort légèrement lorsqu’elle dit devant ses domestiques : Avec l’aide de Dieu, je suis en vérité surprise de ce que le chevalier notre voisin ait osé mander à mon mari ce qui doit faire sa honte et son déshonneur, puisque sa femme est accouchée de deux enfants à la-fois. Comment publier ce qui doit faire le déshonneur de ces époux ? On sait parfaitement qu’il ne s’est jamais vu et que l’on ne verra jamais pareille chose, si la femme n’a pas eu commerce avec deux hommes. Le mari étonné d’un pareil langage, regarde fixement sa femme, et la blâme de ce qu’elle vient de

  1. Voyez sur la coutume de faire des présents, État de la poésie françoise, dans les xiie et xiiie siècles p. 87. Le Grand d’Aussy, Fabliaux, in-8o tom. i p. 97, 113, 291, 412. Sainte-Palaye, Mémoires sur l’ancienne Chevalerie. tom. i p. 70 et 119.