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LAI D’ÉQUITAN.

vent être vilipendés ainsi qu’il est arrivé à plusieurs. D’ailleurs il est juste de tromper un trompeur. Ainsi, belle dame, je vous en supplie, ne regardez pas à mon rang, mais prenez-moi pour votre homme-lige et pour votre ami. Je vous promets et vous jure de faire entièrement votre volonté ; ne me laissez pas mourir ; vous serez ma dame et moi votre esclave, vous commanderez et j’obéirai. Enfin, après toutes les protestations et les assurances d’un amour éternel, la dame lui accorda sa demande ; ils échangèrent leurs anneaux, se donnèrent mutuellement leur foi qu’ils tinrent. Ils s’aimèrent tendrement jusqu’à leur mort qui arriva le même jour.

Ce commerce dura fort long-temps sans être aperçu, et lorsque Équitan vouloit entretenir en secret sa maîtresse, il annonçoit aux gens de sa maison, qu’ayant besoin d’être saigné, il desiroit être seul et qu’on ne laissât entrer, personne[1]. Quel eût été

  1. L’usage de se faire saigner subsistoit dès les premiers temps de la monarchie ; il étoit surtout en faveur chez les moines qui, par leur vie sobre et uniforme,