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LAI D’ÉQUITAN.

teau. Dans l’entretien qu’il eut avec la dame, Équitan ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle étoit aussi sage que belle. Mais l’ayant regardée trop attentivement, l’éclat de ses charmes embrasa le monarque des feux les plus ardents. Amour l’assujettit à ses lois et le blessa d’une flèche qui, l’atteignant au cœur, lui fit une blessure profonde que rien n’auroit pu guérir. Il est tellement épris des attraits de sa belle, qu’il devient morne et pensif. Il ne fait plus rien, il n’entend rien pendant le jour, et pendant la nuit il ne peut sommeiller. Il se reproche ses amours. Hélas ! dit-il, pourquoi le sort m’a-t-il conduit dans ce château ? La vue de cette beauté me cause un tourment affreux, je tremble en sa présence : jusques à quand l’aimerai-je ainsi ? Mais en l’aimant je commets un crime : n’est-elle pas la femme de mon sénéchal ? Je dois à ce dernier la foi et l’amour que je serois en droit d’exiger de lui. Ne pourrois-je pas trouver quelque moyen pour connoître la pensée de la dame que j’adore, car je suis trop malheureux de souffrir tout seul. Il n’est point de belle femme, tant mé-