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LAI DE GUGEMER.

Je laisse à penser quel étoit le chagrin de notre chevalier : absent de sa maîtresse dont il est peut-être éloigné pour toujours, il pleure et soupire. Dans son désespoir, il prie le ciel de le faire mourir, sur-tout s’il perd l’objet qu’il aime plus que la vie. Il réfléchissoit encore à toute l’étendue de son malheur, lorsque le vaisseau entra dans le port d’où il étoit parti la première fois. Il prit terre aussitôt, s’empressa de descendre, parce qu’il étoit près de son pays. À peine étoit-il débarqué, qu’il fit la rencontre d’un jeune homme dont il avoit soigné l’enfance. Ce jeune homme accompagnoit un chevalier, et menoit en laisse un cheval de bataille tout équipé. Gugemer l’appelle, et le jeune homme reconnoissant son seigneur, s’empresse de lui offrir un coursier. Il retourne dans sa famille où il est parfaitement bien reçu. Afin de le fixer dans le pays, et de dissiper la mélancolie dans