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lement sur la poitrine, dans le sens des côtes, lui donnaient de loin un faux air de squelette ambulant qui n’était pas fait pour démentir les bruits sinistres qu’on répandait sur son compte. Tel qu’il était, le capitaine Vampire attirait les regards des femmes, toujours avides de mystère et d’émotions violentes, et plus d’une jolie boyarde jalousait Domna Epistimia.

La princesse Agapia s’était accaparée d’Iégor Moïleff qu’elle accablait de questions de ce genre : — Quelle fleur aimez-vous le mieux ? Quelle est la couleur qui vous plaît le plus ? Préférez-vous le tabac d’Andrinople à celui de Latakié, les chevaux noirs aux chevaux bais ?

Iégor répondit assez maladroitement que sa plante favorite était le tabac ; qu’en fait de couleurs, le bai l’enchantait et qu’il ne montait que des chevaux d’Andrinople.

Ce qui n’empêcha pas Agapia de lui trouver infiniment d’esprit et un jugement très-délicat.

— Moi, disait-elle, j’aime le soleil couchant et les meubles chinois, le chant du rossignol et les crèmes à la vanille, mais j’adore la poésie ! Et vous, Monsieur, aimez-vous la poésie ? demanda-t-elle en louchant de son mieux.

Iégor ne put répondre qu’affirmativement, et Dieu sait s’il mentait !

— Peut-être êtes-vous poète ? insinua la princesse.

— Pas que je sache.

— C’est qu’on l’est parfois sans le savoir ! soupira la grosse Agapia en levant les yeux au plafond.

Mais ce n’était pas le cas d’Iégor, et la princesse recommençait son énumération.

— J’aime… disait-elle. Elle aurait peut-être fini par