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nistre qui sautillait et gesticulait avec une vivacité toute méridionale ; sa parole était si rapide que les invités, qui écoutaient avec une persistance frisant l’indiscrétion, ne purent surprendre que ces mots : — Passer le Danube et armée roumaine.

On dansait peu, on buvait beaucoup, on parlait encore davantage. Les messieurs se passaient des numéros du Romanul qu’ils allaient lire dans l’embrasure des fenêtres ; ils commentaient le dernier discours de Rosetti, et l’absence de l’ambassadeur anglais, qui s’était fait excuser, étais fort remarquée.

Les dames, croyant faire de la politique, critiquaient vivement les toilettes de la princesse Elisabeth, et une vieille boyarde prétendait que l’ex-prince Couza avait bien plus grand air que le prince Charles. Les méchantes langues disaient qu’elle était à même de le savoir mieux que personne.

Domna Rosanda triomphait. Ses deux filles, couvertes de pierreries, brillaient comme des soleils entre les bras de leurs danseurs qui avaient l’air de ne pas ignorer qu’ils valsaient avec plusieurs millions. La Serbe avait placé tant d’affection sur les têtes d’Epistimia et d’Agapia qu’il ne lui en restait que tout juste assez pour son fils Rélia, l’unique descendant mâle de l’illustre race des Comanesci.

Rélia, ou moins familièrement Aurelio, était peu connu à Bucharest. Il arrivait fraîchement de Paris où il avait fait des études peu brillantes. En somme, c’était un garçon fort doux et fort timide, pas Parisien du tout, et qui professait pour madame sa mère un respect voisin de la crainte. Au quartier latin, sa façon de baisser les yeux lui avait valu le surnom de Mademoiselle Aurélie.

Domna Agapia, à peine âgée de seize ans, était déjà