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Comanesco donnait un bal.

Les dames roumaines portaient des robes faites à Paris et modifiées suivant le goût de Bucharest, qui n’est pas le même que le bon goût.

Certes, elles étaient admirablement belles ces quasi-Orientales et leur vue arrachait aux Russes des exclamations enthousiastes, mais combien elles eussent été plus jolies si elles avaient pu se résoudre à laisser reposer dans leurs écrins ces diamants de famille qui ruisselaient dans leurs cheveux, sur leurs bras, dans les plis de leurs jupes et jusque dans les nœuds de satin de leurs souliers de bal !

Les hommes eux-mêmes semblaient épris de clinquant et leurs poitrines portaient fièrement les insignes d’ordres plus ou moins fantaisistes. Or ou cuivre doré, les Roumains aiment tout ce qui brille. Les dames faisaient, avec une grâce parfaite, les honneurs de leur pays. Elles présentaient de leurs doigts mignons des cigares turcs aux étrangers ; elles leur versaient du tokai comme n’en boit pas le comte Andrassy, et leur offraient des confitures de roses fabriquées par des religieuses. Ioury Levine soupirait de satisfaction ; Boleslas, Stenka et Bogoumil se croyaient transportés dans le paradis de Mahomet et voulaient se faire musulmans. Jamais on ne vit envahisseurs mieux reçus par les envahis. Tout ce monde parlait le français, qui est la langue aristocratique de la Roumanie, et celui à qui serait venue la malencontreuse idée de prononcer un mot de roumain, n’aurait plus trouvé de danseuses de la soirée. Sous les fenêtres de l’hôtel le peuple parlait la langue proscrite, cependant. Que disait le peuple ? On ne s’en souciait guère !

Les principaux officiers russes, au nombre desquels se trouvait le sinistre Liatoukine, entouraient le petit mi-