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cier, un Russe. Il descendit de cheval. Je compris qu’il voulait me parler et je m’avançai vers lui, Ah ! je n’aurais pas dû m’avancer !… mais, pouvais-je savoir !… Enfin, il me montra son cheval qui haletait et dit ces deux mots : Apà, cal (eau, cheval). Sa façon de parler, qui n’était rien moins que polie, me choqua ; néanmoins, j’allai chercher de l’eau, pensant qu’il n’en savait pas dire plus long en roumain. Je me trompais, Ioan, cet homme s’exprime mieux qu’un riverain de l’Oltou ! Pendant que le cheval buvait, j’observai le maître, Isus-Christos !…

Je vivrais cent ans, ajouta Mariora, sans l’oublier ! Il était grand et si pâle, si maigre, que l’on eût dit un mort : il me semblait entendre ses os craquer ; mais, ce qui m’épouvanta le plus, ce fut la lumière jaunâtre qui brillait dans ses yeux ronds. Quand le cheval eut bu, je voulus rentrer ; à mon grand étonnement, cet homme me suivit. Je lui fis observer que la maison n’était pas une auberge. Il me répondit que cela lui était bien égal et continua de me suivre. Je n’osais plus rien dire ; il avait un son de voix caverneux qui me faisait frissonner, et, comme s’il eût été le maître, il s’assit près de la table et, me désignant un siège au bout opposé, il m’ordonna brusquement d’y prendre place. J’étais terrifiée, je ne savais plus ce que je faisais : j’obéis. Lui me regardait fixement. Cela dura peut-être dix minutes. J’eus un instant l’idée de m’enfuir, mais je sentais mes forces diminuer, et j’avais remarqué, d’ailleurs, qu’il se trouvait entre moi et la porte. Enfin il se leva, je me levai aussi, ses yeux ne me quittaient pas, il s’avançait vers moi, je reculais, je reculais toujours… mais le mur était là. Je fermai les yeux, car je venais de sentir une main froide se poser sur mon bras, cela me fit l’effet d’un serpent