— Eh ! dites-moi donc, continua-t-elle en souriant, comment c’est fait un zmeù. Cela a-t-il des cornes et des ailes comme l’assure Baba-Sophia ?
— Non ! fit Isacesco, cela a des yeux jaunes et…
— Des yeux jaunes ! interrompit Mariora émue, vous avez vu l’homme aux yeux jaunes ?
— Oui ! répondit tranquillement Ioan. Et… vous l’avez vu aussi, apparemment ?…
— Moi ! s’écria-t-elle en rougissant, non, Vierge sainte ! est-ce qu’il y a des hommes qui ont les yeux jaunes ? Mon Ionitza, poursuivit-elle en plongeant sa main dans la chevelure épaisse du soldat, je n’ai jamais vu des cheveux aussi fins que les vôtres. C’est doux ! c’est joli ! murmurait-elle avec sa voix d’oiseau.
Mais Ionitza demeurait insensible à toutes ces caresses ; son calme apparent cachait une violente agitation intérieure. Mariora vit frémir les sourcils d’Isacesco.
— Il pense ! se dit-elle, il pense, mais à quoi ? Elle était debout devant lui, et le regard prolongé du soldat qui lui avait pris les deux mains la gênait sensiblement.
— Ah ! fit-elle en cherchant à se dégager, ne me regarde donc pas ainsi ; cela me fait mal : il y a trop de noir dans tes yeux !
— C’est vrai, il y a beaucoup de noir ! répéta-t-il machinalement après elle.
Il y eut un silence.
— Mariora, reprit-il froidement, il n’est venu personne ?
— Personne, mon doux ami, personne… si ce n’est le boyard Rélia Comanesco ; il est bien ennuyeux : il ne parle que vignes et maïs ! ajouta-t-elle avec humeur.
— Personne ? vous êtes bien sûre, Mariora ?