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guerre, ici ! Tu n’iras jamais à la guerre, n’est-ce pas ? fit-elle, subitement effrayée.

— Non ! dit Isacesco. C’était la seconde fois qu’il mentait.

— Ah ! c’est que je ne le voudrais pas ! s’écria t-elle en secouant la tête d’une façon mutine ; j’ai besoin de toi. Qu’est-ce que cela nous fait, ce vilain tzar que nous ne connaissons pas ! Qu’il se batte, lui, tout seul, avec le Padisha ! Nous avons bien autre chose à faire, nous ! Nous marier, par exemple. Quand ? Ah ! le plus tôt sera le mieux, car je te préviens que je suis fatiguée d’attendre. Et toi ?…

— Mariora ! s’écria-t-il. Ce fut tout ce qu’il put dire. Il y avait à la fois de la tendresse et du reproche dans sa voix. Un mot de l’innocente fille venait de réveiller les pensées amères que ses caresses avaient endormies. Isacesco songeait à l’avenir, à l’insulteur qui s’était trouvé sur son chemin, à la Mariora qui allait s’en écarter. Tous les personnages qui tenaient une place dans sa vie se confondaient dans son esprit, et parfois une étrange hallucination lui montrait son nouvel ennemi se dressant entre lui et sa fiancée. Un moment il pensa lui avouer tout, et la funeste rencontre du chemin creux et son départ prochain pour Giurgévo ; mais tous deux avaient un secret, et la Mariora lui dit avec ce petit air boudeur qu’elle savait rendre si charmant :

— Mon beau dorobantz, rien ne peut vous égayer aujourd’hui. Auriez-vous rencontré un zmeù[1] dans les bois ?

— Oui, dit Isacesco qui tressaillit.

Mariora crut qu’il plaisantait.

  1. Être fantastique qui joue un grand rôle dans les superstitions roumaines.