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Mariora se mit en devoir d’allumer elle-même une énorme lampe de cuivre qui était presque un objet de luxe. Tout en posant sur la table des œufs, des fruits et une cruche de braga[1] qui devaient composer le souper des deux fiancés, la Mariora babillait, babillait, Dieu sait comme ! C’étaient de ces choses qui n’ont pas de sens et qui disent tout, de ces choses que l’on répète depuis que le monde est monde et que l’on ne se lassera jamais d’entendre ; seulement, la jeune fille semblait ne vouloir pas laisser à Isacesco le temps de lui répondre ; un observateur attentif eût remarqué qu’elle cherchait même à éviter ce regard qui ne se détachait pas d’elle. Tout à coup elle poussa un cri et saisit brusquement la main droite de Ioan.

— Qu’est-ce ? s’exclama-t-elle, du sang !… Tu es blessé ? Et elle porta cette main ensanglantée à ses lèvres, tandis que ses yeux, remplis d’anxiété, interrogeaient le dorobantz.

Ioan hésita : il lui répugnait de mentir.

— C’est au tir, dit-il avec effort, oui… mon fusil a éclaté entre mes mains.

Mariora, qui ne pouvait d’ailleurs distinguer une blessure faite par une arme à feu d’une autre faite par une arme blanche, ne vit pas l’embarras d’Isacesco.

— Ah ! s’écria-t-elle en lavant à grande eau la plaie envenimée, c’est dangereux, le tir ! presque aussi dangereux que la guerre, n’est-ce pas ?

— Pas tout à fait, dit-il en souriant d’un sourire qu’il tenta vainement de rendre joyeux.

— La guerre ! reprit Mariora pensive, mais c’est la

  1. Bière de millet.