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— Était-il joli, au moins, ton Russe ? dit Catinca la meunière.

— Je ne sais pas, fit Zamfira, je l’ai peu regardé.

— Ah ! je l’aurais su, moi, répartit son interlocutrice. Avait-il des cheveux noirs ?

— Et des yeux jaunes ? dit une voix douce et mélodieuse derrière les jeunes filles.

La propriétaire de la maisonnette, Mariora Sloboziano, venait d’apparaître sur le seuil.

Ô poètes roumains, trop ignorés de l’Occident : Héliade, Bolliaco, Alexandri, où donc êtes-vous pour nous dire quelle jolie chose c’était que cette Mariora !

Alexandri se serait écrié en la voyant :

« — Ses cheveux sont pareils aux rayons argentés de la lune d’été et ses yeux rappellent le miroir limpide des lacs des montagnes ! »

Ce qui, traduit en langage vulgaire, signifie que Mariora avait la chevelure blonde et les yeux bleus. Elle semblait, parmi ses compagnes au teint bruni, une fille du Nord, égarée sous le ciel serein de ces climats méridionaux ; mais ses pieds mignons, toujours prêts à danser la hora[1], sa gaieté folle éclatant au moindre propos, la faisait reconnaître pour une vraie Danubienne. Son regard avait le calme profondeur des yeux d’enfants, et son sourire était si doux qu’il avait enfin captivé le cœur de l’homme le plus farouche des environs : Ioan Isacesco.

Mariora était appuyée, dans une attitude pittoresque un peu étudiée, contre le mur tapissé de vignes, et les derniers rayons du soleil éclairaient les couleurs vives de ses vêtements dont le tissu comptait plus de fils de

  1. Danse nationale roumaine.