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le faire geler ! Oui, geler ! Le plus drôle, c’est que Liatoukine ne fit pas un mouvement pour se défendre ; au contraire, il avait l’air de sourire. L’eau tombait sur lui par cascades, et dès qu’il eut l’apparence d’une jolie statue de cristal, les Cosaques, enchantés d’être débarrassés de leur lieutenant, remontèrent à cheval. Quand ils arrivèrent au camp, la première personne qu’ils aperçurent fut Liatoukine, tout habillé et pas gelé du tout. Un des Cosaques devint fou, Liatoukine fit fusiller les autres qui, sans cette opération, seraient bien morts de frayeur. Depuis ce temps, on ne le connait dans l’armée que sous le nom du capitaine Vampire qu’on lui a conservé, bien qu’il soit maintenant colonel.

Bogoumil et le Polonais éclatèrent de rire.

— Ce n’est pas tout, reprit Sokolitch. Vous savez que Liatoukine passe pour un homme à bonnes fortunes. Un soir, c’était, je crois, l’hiver dernier, le petit comte M*** revenait de ses terres, un ami charitable l’attendait à la gare pour lui dire que la comtesse Malgorzata se trouvait au théâtre en compagnie de Liatoukine. Mauvaise nouvelle ! Le comte court à l’Opéra : la Malgorzata y était, en chair et en os, flanquée du capitaine Vampire ! M***, qui craint le scandale, dévora sa rage avec son souper, mais le lendemain, au petit matin, il se présentait chez Boris, où il fut fort étonné de rencontrer… un compagnon d’infortune ; le prince S***, que vous connaissez tous, disait : — Ne cherchez pas à vous disculper, monsieur ! Hier, vous vous trouviez en tête-à-tête avec la princesse : minuit sonnait à Saint-Isaac !

— Mon prince, s’écria M*** abasourdi, vous vous trompez : c’était ma femme, à moi, que monsieur avait conduite à l’Opéra : minuit sonnait à la station.

Et les voilà qui se chamaillent. — C’est moi ! — Non,