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comme j’allais lui prendre la main, le chien s’élança… mais, bast ! j’avais lâché prise. Elle ne me gardait pas rancune, car, quand elle se vit débarrassée de moi, elle rappela son Cerbère qui allait me dévorer.

– Bah ! fit Bogoumil Tchestakoff, Liatoukine, qui a de fort belles relations ici, nous découvrira bien un palais quelconque où les caves soient bien fournies et les dames jolies. C’est un homme précieux !

– Mais où reste-t-il donc, Liatoukine ? s’écrièrent-ils tous en chœur.

L’emphase avec laquelle ils prononçaient ce nom laissait deviner que Liatoukine était pour le moins un grand personnage dont les gens bien nés n’avaient pas à rougir.

— Vous savez bien que Liatoukine est partout, fit Ioury Levine, qu’il a le don d’ubiquité, tout comme le bon dieu de l’Archimandrite Samourkassoff.

– Bah ! depuis que je suis au régiment, je n’entends que cette histoire. Cela me lasse à la fin ! s’écria Bogoumil. Croyez vous à ces contes-là, vous autres ?

– Non, fit Sokolitch que son profil de Méphistophélès annonçait incrédule. Malgré son aspect funèbre, je tiens Boris Liatoukine pour un honnête garçon, pas plus entaché de diablerie que ce gros Polonais-là ! Seulement, voici ce qu’un vieil officier, digne de foi, m’a raconté :

C’était en Crimée. Vous vous rappellerez que Liatoukine est notre doyen et qu’il accomplit sa quarante-cinquième année. Liatoukine commandait un régiment de Cosaques. Vous savez qu’il n’a pas l’âme tendre, les Cosaques ont le cuir dur, c’est vrai, mais Liatoukine faisait knouter si souvent et si dru, qu’un beau jour qu’il se trouvait dans un endroit écarté avec ses hommes, ceux-ci vous le déshabillèrent proprement et se mirent à