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gévo ; elle ne sait pas que Giurgévo, c’est le Danube, elle ! Ne la détrompe pas !

Le vieux Mané répondit par un signe de tête, ses yeux noirs flamboyèrent sous ses sourcils blanchis, il étendit sa main droite vers Bucharest et prononça d’une voix forte cette malédiction que le peuple roumain croit sans appel : « Qu’ils soient maudits, eux, leurs ancêtres morts et leurs enfants à naître ! »

Son bras levé pour maudire demeura immobile. Ioan tressaillit et, se baissant brusquement, colla son oreille au sol. Le père et le fils écoutaient. Un roulement sourd, semblable au galop régulier d’une troupe de chevaux, arrivait jusqu’à eux.

— Qu’est-ce ? dit le père.

— Je ne sais pas, répondit le fils : on dirait un escadron qui passe !

Le bruit allait croissant.

— Ce sont des chevaux, murmura Ioan toujours penché vers la terre, des chevaux russes : je reconnais leur trot.

— Des Russes ? répéta Mané. Où vont-ils ?

Le dorobantz prêta l’oreille avec plus d’attention.

— Vers le nord, dit-il enfin ; ils viennent à nous.

À peine avait-il prononcé ces paroles, qu’au bout du chemin qu’ils suivaient, à quelques centaines de mètres de distance, ils virent déboucher un cavalier, puis deux, puis trois : un escadron enfin, comme l’avait dit Ioan.

— Eh bien ? interrogea Mané.

Ce sont des Cosaques, colonel en tête, fit le jeune Isacesco qui possédait la vue perçante d’un batteur d’estrade. Il ne se trompait pas, les Cosaques descendaient à fond de train la pente rapide du sentier.

— Rangeons-nous, père, dit Ioan : les voilà !