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et qui prêtaient à la physionomie, intelligente et pensive, une expression farouche.

— Isacesco est fier ! disaient les jeunes filles froissées par l’indifférence du dorobantz qui n’avait pour elles ni un regard, ni une parole aimable. Mon Dieu ! non. Isacesco avait le caractère un peu trop sérieux peut-être ; il ne méprisait personne, certes, et c’était une faveur enviée que de l’avoir pour ami. Dans l’armée territoriale dont il faisait partie, les soldats passent alternativement trois semaines dans leurs foyers et une semaine au régiment ; les champs florissants du vieil Isacesco n’accusaient guère les courtes absences de Ioan qui par son activité et par son économie était parvenu à doubler le petit capital qu’ils possédaient. Sa maigre solde même était remise intacte entre les mains de son père, et l’on disait que, si les Isacescii n’étaient pas riches, ils avaient des chances de le devenir.

Le dorobantz, quoique brave jusqu’à la témérité, haïssait la forfanterie, et cette horreur de ce qu’on pourrait appeler la mise en scène avait bien étrangement décidé de son avenir.

C’était en 1876, à l’époque de la fonte des neiges. La Dimbovitza inondait les quartiers bas, situés au sud de Bucharest, et un grand nombre de paysans, parmi lesquels se trouvait Isacesco, étaient accourus pour voir le désastre. Une jeune et jolie fille de seize ans qui n’avait cependant pas lu le Plongeur de Schiller, lança dans la rivière une fleur qu’elle tenait à la main et défia les jeunes gens de l’aller rechercher. Aussitôt ils se précipitèrent, comme un troupeau d’oies, dans l’eau bourbeuse, à la grande joie de la jolie fille qui riait de les voir barboter à qui mieux mieux. Bien qu’il eût parfaitement entendu les paroles imprudentes de sa voisine qu’il avait