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l’exemple de la vertu la plus sévère. Ceux du village pourront te le redire si tu l’as oublié.

— Je ne te crois pas, Mariora Sloboziano ! murmura Isacesco sans lever les yeux.

Mariora fit un effort pour refouler ses larmes ; elle présenta docilement son front au baiser du dorobantz et, d’une voix étouffée par la douleur : — Alors, adieu, mon bien-aimé, dit-elle, et que le Grand Empereur[1] vous pardonne comme je vous pardonne !

Ioan ne bougea pas. — Si Liatoukine avait menti ! pensa-t-il, oh ! ce serait le ciel ! — Mariora, reprit-il, je voudrais te croire, mais… cette bague, je l’ai vue au doigt de Liatoukine.

— C’était dans le bois de Baniassa, reprit simplement Mariora, nous étions seuls : il a pris mon anneau.

— Eh bien ! après ?

— C’est tout !

— Cet homme ne t’aurait pas épargnée ! fit-il en secouant la tête.

— Écoute, dit-elle en baissant mystérieusement la voix, cet homme n’est pas un homme : c’est un vampire. Il a deux prunelles dans chaque œil ! Son regard vous endort d’un sommeil étrange qui finit dans la mort. Les saints me protégeaient du haut du ciel : minuit sonna, un coq chanta dans le lointain… Que pouvait-il encore sur moi ?

Bien que la croyance au vampirisme et au mauvais œil ne lui parût pas un article de foi indiscutable, Isacesco considérait l’explication bizarre de Mariora comme le seul rayon de jour qui pût encore dissiper les ombres grises parmi lesquelles son espoir s’était perdu. Mariora

  1. Imperatul mare, titre que les Roumains donnent à Dieu.