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Zamfira tout d’une haleine. — Que le ciel te bénisse, Isacesco ! reprit-elle en joignant les mains ; tu vas faire une bonne action.

— Que le ciel me pardonne ! pensa-t-il : je vais commettre un crime !

Le lendemain était le 1er janvier. Le soleil se levait splendide dans un ciel pur et lamait de rayons d’or les coupoles argentées des églises ; la brise semblait une caresse et les bandes de moineaux francs piaillaient gaiement en picorant le blé que les Roumains n’avaient pas manqué de semer au seuil de leurs demeures, afin d’y attirer les prospérités de tous genres. Un air de bonheur et de contentement qu’on ne voyait plus guère à Bucharest s’épanouissait de nouveau sur la physionomie des passants matineux. On eût dit que tout souriait et souhaitait la bienvenue à l’année nouvelle qui devait être (on l’espérait alors) moins fatale que sa sœur aînée. Tandis que la ville s’éveillait autour de lui, Isacesco était accoudé sur la balustrade du pont de la rue Vacaresci ; il contemplait, avec ce regard vague des Orientaux, les petites ondes bleues de la Dimbovitza qui léchaient l’herbe rare des berges. Sa main droite tenait si négligemment son revolver de combat, qu’une impulsion soudaine imprimée à son bras fit tomber bruyamment l’arme dans la rivière.

En même temps, une voix d’enfant murmura à ses côtés : — Bunà zioa, frate[1] ! Isacesco reconnut Spérantza. Le salut cordial de la petite le toucha ; il la gronda bien un peu, mais, les influences réunies de ce beau ciel si longtemps voilé et de la fête solennelle que ce jour ramenait, avaient rouvert son âme aux émotions

  1. Bonjour, frère.