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la distance qui le séparait encore de Liatoukine, il reconnut aisément son adversaire à sa haute taille et à sa voix stridente qui dominait, comme l’accord d’un clairon, les bruits divers de la bataille.

Isacesco rechargea son revolver, bien qu’il ne comptât pas en faire usage : il réservait, pour l’accomplissement de ce qu’il appelait une œuvre de justice, le seul couteau du vieux Mané. Il fit jouer dans son étui de cuivre cette arme terrible qui n’était rien autre qu’un long yatagan et qui n’eût pas été déplacée entre les mains d’un bachi-bouzouk.

Les Roumains sont d’autant plus indifférents en matière religieuse qu’ils sont fort superstitieux. Ioan se signa, moins par dévotion que par habitude.

— Boris Liatoukine est mort ! dit-il, et, se frayant un passage à travers les rangs des dorobantzi et des Cosaques, enjambant ces amas d’uniformes sous lesquels s’agitaient encore des débris sanglants, il parvint jusqu’au capitaine Vampire.

— C’est moi ! fit-il avec un regard haineux qui eût décontenancé un homme moins sûr de lui-même que le colonel. Celui-ci le considéra froidement, il ne paraissait ni contrarié, ni surpris.

— Je t’attendais ! dit-il en mettant pied à terre. Et, avec une désinvolture que les beaux messieurs de Bucharest eussent admirée, il jeta la bride de son cheval à son aide de camp.

— Laisse-nous, Dimitri Nikititch, fit-il, et, se tournant vers Ioan : — Viens avec moi, l’endroit n’est guère propre à la causerie.

Ioan le suivit tenant son revolver d’une main et son poignard de l’autre. Le contact de ces armes était brûlant aux doigts enfiévrés du Roumain et la pointe acérée