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Le sang coulait abondamment de la poitrine du moribond, ses doigts dessinaient des signes vagues dans l’air.

— Eh bien ! dit-il d’une voix presque inintelligible, tu iras vers le vieux Mozaïs… et… tu lui diras… que…

— Ton nom, vite, ton nom ? insista Mitica qui sentait la main de l’inconnu se glacer dans la sienne.

— Je suis… je suis… ses lèvres remuèrent, mais ne purent articuler une syllabe.

Il était mort, emportant son secret.

Mitica demeura quelques instants rêveur auprès du cadavre ; il abaissa les paupières du mystérieux Osmanli, l’enveloppa d’une mauvaise couverture de laine ; puis, tout soucieux et mécontent de lui-même, il rejoignit en hâte son régiment.

 

Les dorobantzi s’en vont dans la boue et le brouillard. La boue est épaisse et rend leur marche pénible ; le brouillard est dense et pénètre leur vêtements. Leur bouche est muette. Ils ont de la flamme aux yeux. Les rêves de l’empereur de Russie ne lui ont donc pas montré ce qu’il y a dans les yeux de ces hommes ? Parfois un murmure s’échappe des rangs. « C’est la Saint-Alexandre ! » s’écrient quelques voix ironiques, et tout se tait.

Ils vont ainsi depuis une heure déjà. Grevitza ne doit pas être loin ; le bruit de la canonnade est moins sourd, les premiers projectiles s’entre-croisent et déchirent l’atmosphère imprégnée d’eau. Le jour n’est qu’un crépuscule grisâtre. Les soldats avancent au hasard.

Où est Grevitza ? à droite ? à gauche ? On n’en sait rien.

— Mes enfants, voilà que cela commence ! crie le général Cerneano, tenez ferme et souvenez-vous…