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les forçats du mariage

fines porcelaines, les buissons de fraises, les pyramides d’oranges et de grenades, les raisins blonds et les pêches vermeilles, tous les miracles du bonbon, tous les prodiges du petit-four ; faisaient étinceler les regards prestigieux des femmes, les perles et les diamants de leurs parures, la neige de leurs épaules.

C’étaient des bacchantes au sourire provocant, et de virginales jeunes filles, fleurs à peine écloses, aux yeux encore pudiques ; ici une Anglaise aérienne et blanche, un rêve de poète ; plus loin une Méridionale ardente et brune ; de plantureuses Normandes magnifiquement épanouies, et de frêles Parisiennes toutes puissantes dans leur grâce et dans leur faiblesse.

Et les vins coulaient à flots dans les verres, apportant au festin leurs parfums et leurs flammes.

C’était comme un sabbat, une mêlée indescriptible de paroles et de rires, de vérités et de paradoxes, de folles boutades et de réflexions sinistres. Les axiomes profonds et les niaiseries burlesques, les agressions furieuses et les ripostes légères se heurtaient, s’entrecroisaient, comme dans un combat les boulets et la mitraille. On eût dit qu’emportés par la tempête de l’orgie, ces esprits en délire voulaient renverser toutes les digues, ébranler toutes les croyances, toutes les lois.

On enterrait le comte Robert.

Juliette d’abord crut rêver. Elle restait là, pâle,