Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
les forçats du mariage

— Il souffre, il souffre, répétait-elle ; mais moi, je meurs.

À neuf heures, rien, pas de lettre.

La fièvre sifflait dans ses tempes ; ses genoux s’entrechoquaient ; sa bouche était sèche et brûlante.

— Quel châtiment ! dit-elle. Je voudrais être morte.

Elle essaya de prier.

Elle ne le put pas.

Une idée superstitieuse envahit son esprit. N’avait-elle pas, la veille, appelé la damnation ? Dieu sans doute l’avait maudite. Le démon s’était emparé d’elle. Elle ne pourrait lui échapper. À quoi bon résister ? Ne valait-il pas mieux se laisser rouler au fond du précipice, s’abandonner à cette passion qui l’enserrait comme une proie et la dévorait ?

Dès que Mme de Brignon fut couchée, elle jeta sur ses épaules un manteau sombre, s’enveloppa la tête d’un voile noir, et sortit.

Avisant une voiture de place :

— Rue Montaigne, 17, cria-t-elle.

Ivre de douleur, elle allait chez Robert. Il lui avait écrit qu’il était malheureux. Peut-être ne la trompait-il pas, peut-être souffrait-il réellement. Ne devait-elle pas courir à lui pour le consoler ?

À dix heures elle était devant son hôtel. Sur le point de sonner, la raison lui revint un moment.