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les forçats du mariage

Voici ce billet :

« Plaignez-moi, chère Juliette ; car je suis bien malheureux. Ce que j’ai souffert depuis que je vous ai quittée hier, je n’essayerai pas de vous l’exprimer dans une lettre. Quelle nuit j’ai passée et quel réveil ! Je n’ai pu aujourd’hui vous faire une visite ; mais demain, je tâcherai d’aller vous voir et vous raconter mes tracas, mes souffrances.

» Votre ami reconnaissant et dévoué,

» R. de Luz. »

Ainsi elle devrait l’attendre une journée encore. Elle n’était même pas certaine de le voir le lendemain. Ainsi il était malheureux, et cependant elle l’aimait. Elle qui lui donnait toute sa vie, elle n’était donc pas tout pour lui ?

Quel pouvait être ce malheur ?

Le mariage dont il lui avait parlé lui revint en mémoire, et les tourments de la jalousie s’ajoutèrent aux anxiétés de l’attente. Mille projets insensés traversèrent son esprit éperdu. Elle irait le voir, le suivrait jusque chez cette femme, provoquerait une rupture. Ou bien elle se tuerait devant eux.

Une nuit et un jour tout entiers se passèrent dans ces tortures qui, à chaque heure nouvelle, devenaient plus poignantes.

Vingt fois elle relut le billet de Robert, qu’elle commenta de toutes les manières.