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les forçats du mariage

Elle espérait le voir avant midi.

Ne devait-il pas être également pressé de la revoir ?

Midi sonna. Il n’arriva point.

Elle l’excusa : venir si matin, c’eût été la compromettre.

Toutefois l’angoisse commençait, cette angoisse de l’attente que tous les amoureux connaissent, cette fièvre folle, cette torsion des nerfs, qui fait paraître la minute un siècle et le jour une éternité.

Qui n’a pas attendu et souffert ainsi n’a point aimé.

À mesure que l’heure avançait, l’angoisse grandissait. Une chaleur brûlante lui montait au visage ; puis, tout à coup, elle pâlissait. Un bruit de pas dans l’antichambre, une porte qu’on fermait lui faisaient refluer tout le sang au cœur. L’espoir éteint, une sueur froide l’envahissait ; elle se sentait défaillir.

Le tic tac de la pendule exaspérait ses nerfs. Cette aiguille n’avançait donc pas.

Vers quatre heures, elle ne put tenir en place. Elle allait au jardin et revenait.

Elle prenait un livre ; mais les mots dansaient sur le papier. Elle lisait sans rien comprendre.

Elle se mettait au piano, jouait une mélodie douce qui berçait sa douleur. Soudain, elle s’arrêtait, s’élançait au dehors, courait jusqu’à la porte du jardin, y collait son oreille, retenant son souffle.