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les forçats du mariage

et ne reparut point. On supposa qu’il avait péri dans une expédition au centre de l’Afrique. Mais quelques notes retrouvées dans sa bibliothèque, quelques dispositions particulières prises pendant son dernier séjour à Paris, donnèrent à penser qu’il en avait fini volontairement avec une existence remplie d’amertume, vide de toute affection.

À sa sortie du couvent, Juliette, qui avait alors seize ans, était venue habiter avec sa grand’mère maternelle, Mme de Brignon.

Cette femme âgée, maladive, qui avait voulu par ambition le mariage de sa fille, cruellement déçue dans ses vanités, était triste, souvent acariâtre, et vivait dans une solitude à peu près complète. Connaissant la généreuse conduite de Robert à l’égard de Mme Delormel, elle l’avait fort bien accueilli.

Toujours vaniteuse, elle espérait aussi que le comte de Luz épouserait un jour Juliette. De là l’intimité qu’elle avait laissée s’établir entre eux.

Mme de Brignon, sèche, hautaine, égoïste comme toutes les femmes ambitieuses, n’avait eu pour sa petite-fille aucune de ces gâteries, de ces tendresses d’aïeule qui rapprochent les âges et font que les enfants chérissent les vieillards.

Ainsi l’âme ardente de Juliette avait été constamment refoulée. Elle n’avait pas connu sa mère ; son père ne lui avait témoigné que de la répulsion ; sa grand’mère n’avait pour elle que réprimandes et duretés. Au couvent, elle avait aimé Dieu avec la