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les forçats du mariage

Mme Delormel avait eu, par suite de cette faute, une existence fort malheureuse. Pendant plusieurs années, elle vécut avec son amant ; mais arrivèrent ces tiraillements, résultat inévitable d’une situation fausse, quand l’amour ne suffit plus à la légitimer, aux yeux mêmes des amants. Enfin un jour, ce jeune homme, appelé pour régler des affaires de famille, ne revint pas.

Il se maria. Mme Delormel, épuisée par le chagrin, tomba dans une maladie de langueur. On lui ordonna le climat de Nice. C’est là que Robert, qui alors débutait dans la vie, connut et aima, avec la générosité et l’enthousiasme de la jeunesse, cette femme délaissée et presque mourante. Son amour, tout ardent qu’il fût, n’avait pu ranimer ce cœur brisé.

Mme Delormel avait eu le courage de le repousser ; mais elle en était morte. Robert avait assisté à ses derniers moments. Il avait obtenu que M. Delormel lui amenât sa fille. Enfin il lui avait juré de protéger cette enfant, si jamais la protection paternelle lui faisait défaut.

L’amour de Robert avait été d’autant plus vif que Mme Delormel lui avait résisté. Par delà la tombe, il avait continué à chérir, à vénérer ce souvenir, le premier et le plus pur de sa vie amoureuse. Telle était la raison de la tendresse d’abord paternelle qu’il avait vouée à Juliette.

Un an après la mort de sa femme, M. Delormel, qui faisait de fréquents et lointains voyages, partit