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les forçats du mariage

doute. Selon moi, c’est là toute la morale du mariage… pour les hommes, entendons-nous.

— Hélas ! monsieur Rabourdet, nous sommes bien obligés de l’avouer, pour les femmes aussi.

— Nous nous comprenons admirablement, je le vois. Tenez, je vous ai deviné tout de suite. J’ai vraiment une pénétration qui m’étonne moi-même. Nous recauserons de cela. Adieu ! on m’attend. Consolez Marcelle. La fillette raffole de vous.

— Voilà un singulier beau-père ! pensa Robert. Qui donc, en voyant ce mercier chauve et ventru, pourrait soupçonner en lui ces principes échevelés ?

Il trouva Marcelle au salon. Elle était assise à demi ployée, songeuse, le front penché en avant. Il y avait tant de douceur, de résignation dans cette attitude courbée et mélancolique, que Robert en fut profondément touché. Il courut à elle avec l’élan de sa chaleureuse nature.

Marcelle lui tendit la main, voulut sourire ; mais ses lèvres émues se refusèrent à cet effort.

Sa pâleur, le bonheur mêlé de souffrance qui soulevait sa poitrine, achevèrent d’attendrir le comte.

Il s’assit à côté d’elle.

— Comme vous nous avez inquiétés hier au soir ! Je n’ai pu dormir, dit-elle avec un accent de timide reproche.

— Pardonnez-moi, chère Marcelle ; si vous saviez dans quel grave embarras…

— Je vous pardonne de tout mon cœur ; mais