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les forçats du mariage

— Non, s’écria de nouveau Sophie avec toute son énergie maternelle, Marcelle n’épousera pas ce monsieur. Elle serait malheureuse, je le devine, je le sens là. Profitons, pour rompre, de l’impolitesse qu’il nous a faite hier.

— Taisez-vous, vous êtes folle ! Ce mariage se fera, je le veux, et qu’on ne revienne pas sur ce sujet.

Il se leva d’un air imposant et sortit.

Alors Mme Rabourdet se rapprocha de sa fille. Elle avait les yeux pleins de larmes.

— Écoute-moi, ma chérie, j’ai été bien malheureuse avec ton père. J’ai tout supporté à cause de toi ; mais te voir souffrir, c’est la seule douleur que je ne pourrais endurer.

Marcelle appuya sa tête sur l’épaule de sa mère et sanglota.

— Je le savais bien, que tu avais du chagrin ! Et tu me le cachais, vilaine égoïste. Est-ce que déjà tes chagrins ne sont plus à moi ? Tu veux rompre ce mariage, n’est-ce pas ? Eh bien ! moi aussi, je le veux, car j’ai peur, j’ai très-peur que ce beau comte ne fasse le malheur de ta vie.

— Ah ! mère, il a l’air si bon, se récria Marcelle.

— Tu l’aimerais ?

— Oui, mère, de toute mon âme.

— Pauvre petite ! soupira Sophie.

Et elle laissa tomber ses deux mains sur ses genoux avec une expression de désespoir.