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les forçats du mariage

— Je t’assure que je n’ai rien, chère mère.

— Rien, rien, je vois bien, moi, que tu as quelque chose.

Et la pauvre femme poussait un énorme soupir.

— Moi, je sais ce qu’a la fillette, dit d’un air fin Démosthènes Rabourdet. Elle est triste parce que le comte nous a fait faux bond hier au soir.

— Sa conduite est infâme, inexplicable, exclama avec une colère concentrée la douce Sophie.

— Mon Dieu ! c’est un jeune homme, que voulez-vous ? repartit M. Rabourdet.

— Ce que je veux, c’est qu’il ne fasse pas souffrir ma fille.

— Ta ta ta, bêtise ! Il faut que les femmes sachent attendre.

— S’il la fait attendre déjà, que sera-ce plus tard ? Non, non, je ne veux pas qu’elle souffre comme moi, pauvre mignonne ! Je ne le veux pas, dit Mme  Rabourdet, qui trouvait l’audace de résister à son mari, quand il s’agissait du bonheur de sa fille.

— Vous ne serez jamais qu’une bourgeoise, répliqua l’auguste mercier en jetant avec humeur sa serviette sur la table, et jamais vous n’entendrez rien aux façons du grand monde.

— On les connaît, les mœurs du grand monde. Le demi-monde est moins corrompu.

— Parbleu ! le grand monde, c’est deux demi-mondes, repartit Démosthènes très-satisfait de sa réplique.