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les forçats du mariage

dinaire qu’aux petits. Elle souffrait de ses moindres peines, et ne connaissait d’autre bonheur que celui de la voir goûter un plaisir.

La marier ! elle n’en avait pas écouté la proposition sans terreur. La marier, ce serait peut-être se séparer d’elle. Qui la soignerait alors ? Qui donc irait voir chaque nuit si elle était bien couverte, si elle dormait d’un sommeil paisible ? Qui s’occuperait de sa toilette ? car Mme  Rabourdet s’était faite aussi la femme de chambre de Marcelle. Et s’il allait la rendre malheureuse !

À cette pensée, ses pleurs coulaient abondamment. Aussi, en la voyant ce jour-là, morne, songeuse, indifférente à ses caresses, la tendre mère maudit-elle intérieurement cet inconnu qui venait lui voler le cœur de son enfant.

Marcelle, en effet, était pâle, de cette pâleur diaphane que produisent les souffrances du cœur. Ses yeux tristes étaient entourés d’une ombre maladive qui annonçait une nuit passée sans sommeil. Elle appuyait sur sa main sa tête languissante et ne répondait qu’avec effort aux questions de sa mère.

— Voyons, mon petit mouton, suppliait Mme  Rabourdet, mange seulement cette aile de perdreau pour me faire plaisir.

— Je ne le pourrais pas. Je n’ai pas faim du tout.

— Tu es donc malade ?

— Non, je ne me sens aucun mal.

— Alors tu as du chagrin ?