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les forçats du mariage

fection. Depuis la mort de mon père, je voudrais me reconstituer un foyer.

Robert, en l’écoutant, l’observait et se disait :

— Voilà un assez beau garçon, suffisamment riche. Il m’a l’air d’un honnête légume qui ferait un excellent mari. Si tout à l’heure la fortune m’est contraire, j’y penserai pour Juliette.

Il se mit au jeu à côté d’Étienne Moriceau.

Il gagna d’abord une somme assez considérable.

Étienne perdait.

Robert, quoique beau joueur, apportait au jeu sa fougue expansive et ne cherchait nullement à dissimuler ses émotions. Il ne posait, ni pour le calme de l’homme blasé, ni pour le flegme anglais. Il était resté jeune, et le laissait voir.

Il suivait le jeu d’un regard ardent. On devinait la fièvre qui l’agitait aux spasmes de sa main nerveuse, aux contractions des muscles du visage, aux exclamations inconscientes qui lui échappaient.

Étienne, au contraire, semblait impassible.

Il était, lui, très-brun. Ses cheveux et sa barbe un peu crépus, son teint fortement basané, révélaient son origine créole. Ses yeux d’un bleu pâle imprimaient à ce visage énergique une sorte d’étrangeté qui éveillait la curiosité et l’attention.

Ce regard était d’une extrême douceur, langoureux même et un peu couvert comme celui des hommes chez lesquels l’amour domine. Qu’Étienne gagnât ou perdît, ce regard clair était impéné-