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les forçats du mariage

Il s’approcha d’une table où le jeu semblait fort animé.

Il reconnut, assis à cette table, un jeune homme qu’il n’avait pas vu depuis longtemps.

Il l’accosta.

— Étienne Moriceau ! Est-ce bien vous ? Comme vous êtes changé !

— C’est ma barbe qui me change ainsi, répondit Étienne. Lorsque j’étais officier de marine, je ne portais que les favoris réglementaires.

— Et depuis quand avez-vous quitté la marine ?

— Depuis un an. J’ai perdu mon père, ajouta-t-il avec tristesse.

— Et votre fortune vous suffit ?

— Je n’en sais rien encore. Mon père, vous le savez, était armateur, et, comme tel, avait des affaires dans tous les pays du monde. La liquidation sera longue. Toutefois, ce que j’ai pu réaliser à Nantes me permet de vivre de mes rentes.

— La marine, je crois, ne vous a jamais plu infiniment ?

— C’est un métier assez rude. La discipline et les quarts de nuit surtout m’étaient insupportables. Je suis indépendant comme un peau-rouge. Je tiens un peu du sauvage par ma mère, qui était créole. Cependant je n’aime pas l’aventure. J’ai, comme mon père, des goûts tranquilles et modestes. Peut-être me marierai-je ; j’ai besoin d’af-