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les forçats du mariage

Dieu, ma religion, ma foi. Robert, mon Robert !

Maintenant elle parlait d’une voix suppliante et plaintive, et comme oppressée par un amour infini.

Robert éprouvait, lui aussi, une sorte de vertige. Tant de beauté et de jeunesse, et cette douleur et cet amour naïfs le bouleversaient. Il embrassait follement ses cheveux, ses bras, son cou, lui jurant de l’aimer toujours. Elle se donnait à lui. Peut-être allait-il céder au délire qui l’emportait, lorsque minuit sonna.

Tout à coup sa situation lui revint en mémoire.

On l’avait attendu toute la soirée chez les Rabourdet. On devait ce soir-là même poser les bases du contrat. Il entrevit soudain son mariage manqué, les créanciers frappant de nouveau à sa porte, l’horrible misère prenant possession de son domicile.

Il frissonna et dit assez froidement :

— Il faut nous quitter, ma chère amie.

— Où allez-vous ? cria Juliette qui eut un soupçon de la vérité.

— À minuit ? je vais me coucher, parbleu !

Elle lui étreignit les mains avec force.

— Ne me trompez pas, Robert, j’en mourrais.

Il promit de revenir le lendemain.


iii


Pour rejoindre son coupé, qu’il avait laissé rue de Vaugirard, Robert dut faire un détour assez long.