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les forçats du mariage

— À propos de quoi cette querelle, je vous prie ? dit Juliette fièrement.

— Allons ! nous avons ce soir trop de foin au râtelier, pour songer à nous battre.

— Vous croyez peut-être que j’ai fait des coquetteries à ce prince moldave ?

— Mon Dieu, oui.

— Et quand cela serait ?

— Parbleu ! je le sais bien, je n’ai pas le droit de le trouver mauvais. Eussé-je perdu ce soir, nous étions demain sans un sou. Vous songiez à vous mettre à l’abri d’un désastre. Je ne saurais que vous louer de votre prévoyance.

— Une injure semblable de votre part, c’est odieux, c’est lâche, s’écria Juliette, qui bondit sous l’insulte. Mais qui êtes-vous donc, vous, sinon le plus méprisable des hommes !

— Ma chère, tu ne me mépriseras jamais autant que je me méprise moi-même, répondit Robert en allumant tranquillement une cigarette.

Juliette, désarmée par cette réponse, se promena silencieusement dans la chambre.

— Robert, dit-elle tout à coup d’une voix sourde.

— Quoi ?

— M’aimes-tu ? m’aimes-tu toujours ? et veux-tu enfin n’aimer que moi, dis ? Et je le jure, je serai à toi, à toi seul, ton esclave, ta servante pendant la vie entière.

— Que me proposes-tu là ? Recommencer une