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les forçats du mariage

haut de la falaise, deux hommes assis dans une anfractuosité du rocher, à l’abri de la bourrasque, fumaient et devisaient.

— Tu m’avoueras, disait l’un, que tu me conduis là à un spectacle peu récréatif : passer la nuit dernière en chemin de fer, et, au lieu de s’étendre dans un bon lit, venir s’asseoir dans cette grotte humide, si ce sont là les délices de Roscoff…

— Tais-toi, ripostait l’autre, ton prosaïsme me fait pitié. Peut-on être dépourvu à ce point de l’amour du beau ?

— De l’horrible, veux-tu dire ?

— Mais regarde donc cette sublime tempête, ces montagnes mouvantes qui se heurtent et se dévorent, ces embrasements sinistres succédant aux ténèbres du chaos, et ces déchirements du ciel et ces nuages semblables à des dragons en furie. Puisque ce spectacle ne t’émeut pas, fume et ne dis rien. Tu sais que je n’aime pas à être distrait, quand je fais mes études. Il faut que je m’imprègne de toutes ces horreurs ; car je médite un naufrage pour la prochaine exposition, une œuvre magistrale, tu verras.

Ils se turent. Soudain, ils virent le corps d’un homme traverser l’espace et disparaître dans la vague.

Tous deux, d’un même élan, coururent au bord du précipice.

— Au secours ! au secours ! crièrent-ils ; mais