Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/400

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
394
les forçats du mariage

que le bonheur que vous m’offrez, que je désire autant que vous, est impossible. Ce ne sont pas, je vous l’ai dit, les hommes seulement qui nous séparent ; c’est Dieu, c’est ma religion, c’est ma conscience. Vous céder serait un crime, une souillure que ni le monde, ni Dieu, ni moi-même, ni nos enfants peut-être ne nous pardonneraient. Non, Je ne puis, je ne veux pas faillir à mon honneur, à ma dignité. Sans doute la conduite de mon mari me rendrait excusable ; mais parce que j’ai épousé un homme indigne, en suis-je plus autorisée à manquer à mes devoirs, à mes serments ? Cependant je suis heureuse que vous m’ayez avoué votre amour. Maintenant, il n’y aura plus de secret entre nous. Je devinais que vous me cachiez une souffrance, je ne pouvais y remédier, puisque je l’ignorais : mais à présent, je saurai l’apaiser, la guérir.

Elle se releva, ralluma la bougie ; car toute cette scène s’était passée à la lueur des éclairs incessants qui déchiraient le ciel.

Quand Marcelle revint à Étienne, elle le trouva, la tête inclinée, le visage abattu, l’œil morne.

Il était maintenant désespéré, presque honteux de ce moment de folie… Il pensait : Elle est calme, elle raisonne, tandis que je délire. Elle céderait peut-être par bonté, par pitié. Mais elle ne m’aime pas ; elle ne peut m’aimer. Elle est trop pure, trop parfaite ; et moi, je suis trop vieux, trop laid,

Marcelle lui prit la main.