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les forçats du mariage

dame, si elle vous a aidée à supporter le malheur. Pourtant, sous peine d’impiété, nous ne pouvons prêter à Dieu des exigences aussi injustes, aussi barbares. Non, car Dieu est équitable et bon : il nous a créés pour le bonheur ; surtout il nous a faits libres, il veut la libre expansion de notre cœur. Les hommes seuls sont iniques ; ils n’ont pas le sentiment de la vraie loi morale et de leur dignité. Non, la société n’a pas le droit d’attenter à la liberté individuelle en ce qui concerne l’essor des affections, de dire à deux êtres qui ont un cœur : Vous n’aimerez plus. Elle n’a pas le droit, quand personne ne doit en souffrir, d’empêcher chacun d’arranger sa propre destinée comme il l’entend. C’est elle qui est responsable de tous les crimes de désirs, de tous les adultères cachés et de tous les malheurs qui en résultent. Qui donc serait lésé, par exemple, si vous vous remariiez, si je me remariais ? Serait-ce votre mari, qui ne vous a jamais aimée ? Et la fortune de son enfant serait-elle compromise, puisqu’il ne lui en a pas laissé ? Serait-ce ma femme, qui a déshonoré mon nom, qui le déshonore chaque jour, ma femme qui me hait, et qui sans doute souhaite ma mort ? Seraient-ce ces pauvres enfants abandonnés ? N’auraient-ils pas du moins une famille régulière dont ils ne rougiraient pas ? Vous-même, pure et noble femme, unie à un être digne de vous, vous ne seriez plus en butte aux soupçons injurieux. Enfin Lucette, protégée par un autre mari, n’aurais