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les forçats du mariage

d’Étienne, de ses attentions, de ses soins, qu’elle ne pouvait passer un jour loin de lui sans souffrir. Maintenant qu’elle avait un ami sur qui s’appuyer, un cœur en qui verser ses peines passées, ses espérances en l’avenir ; maintenant surtout qu’elle était aimée comme elle avait souhaité de l’être, elle avait repris confiance, et croyait au bonheur.

Quant à Étienne, il aimait en effet, profondément, ardemment, cette femme si chaste et si tendre, qui lui donnait son âme avec tant d’abandon. Mais aussi, depuis six ans, il souffrait, il se sentait inquiet, malheureux, malade ; il eût voulu non-seulement l’amitié de Marcelle, mais son amour. Cependant il avait pour elle un tel respect qu’il n’eût point osé lui révéler ses souffrances. Et puis il avait, lui, des cheveux blancs, des traits fatigués et tristes ; tandis que Marcelle était encore si belle !

Elle avait trente ans, c’est-à-dire qu’elle était dans toute la splendeur de la jeunesse, dans l’achèvement de sa beauté. Depuis que Robert était effacé de son souvenir, son visage avait repris ses teintes rosées ; ses yeux, leur éclat voilé d’ombre ; et son sourire, encore un peu triste, avait recouvré pourtant sa grâce enfantine. Donc Étienne aimait Marcelle comme il avait aimé Juliette, avec la même impétuosité contenue, avec le même dévouement passionné. Et ce second amour bénéficiait encore des déceptions du premier. Il n’eût