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fait de mauvaises connaissances. S’étant rendu complice d’un vol important, il avait été condamné à quatre ans de travaux forcés. Mme de Luz, touchée de tant de malheurs, avait pardonné à Lucette, qui, depuis lors, lui témoignait un dévouement sans bornes.

Étienne, sur la prière de Marcelle, était venu les attendre à la station de Morlaix.

À l’altération de ses traits, à son embarras, à sa voix émue, au tremblement qu’il éprouva, quand Marcelle s’appuya sur lui, elle devina qu’elle ne s’était pas trompée, qu’un secret chagrin le torturait ; elle devina qu’il l’aimait, et luttait de toutes ses forces contre cet amour. Aussi n’osa-t-elle pas lui demander de vive voix l’explication des bizarreries qu’elle lui reprochait dans sa lettre.

Ils reprirent leur existence des années précédentes. Marcelle évitait les trop longs tête-à-tête le soir au bord de la mer ; le jour, les enfants étaient là. Elle avait peur, non pas d’Étienne, mais d’elle-même. Toutefois elle ne se rendait pas bien compte encore que cette crainte mêlée d’attrait fût aussi de l’amour. Sans doute elle se disait qu’une amitié aussi intime, s’ils étaient libres, pourrait devenir une affection plus tendre ; mais ce qu’elle éprouvait pour Étienne ressemblait si peu au sentiment exalté que Robert lui avait inspiré, qu’elle s’était abandonnée sans réserve à cette pure affection.

Elle s’était fait une telle habitude de la société