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les forçats du mariage

m’humilier ainsi, à soutirer à cette femme angélique jusqu’à son dernier sou ? Et puis ce n’est pas tout, je vieillis, je suis vieux.

— As-tu bien trente-cinq ans ?

— Trente-sept, mon cher, et je ne puis me résoudre à vieillir. Vois-tu sous mes yeux ces petites lignes encore minces, mais menaçantes ? Vois-tu ces fils blancs dans mes cheveux ? Mes yeux rapetissent sensiblement, et l’autre jour, en parlant devant ma glace, il m’a semblé que ma bouche se tordait un peu. Enfin, signe plus caractéristique, deux échecs en un an ! Mme Dercourt s’est moquée de moi, on ne peut plus agréablement, c’est vrai ; mais elle s’est moquée de moi. Puis Toto me traite comme un valet, et me trompe outrageusement. Hélas ! c’est à ces sortes de déceptions qu’un homme reconnaît réellement qu’il baisse. Dans un an ou deux, on m’appellera un vieux beau. Les femmes que j’aimerai, car j’aimerai toujours, je suis de ceux dont le cœur ne vieillit pas, ces femmes, je les verrai me préférer des clercs d’avoué de vingt-cinq ans. Oh ! honte ! Tu l’as dit souvent : je suis un artiste, un apôtre de l’amour. Je dois tirer le rideau au beau moment, au sommet de ma gloire, et ne pas me laisser voir dans ma décrépitude. Je trouve que j’ai déjà trop attendu.

— Tu es superbe ; vrai, tu es superbe. Dans ton genre, tu es un héros. Je t’admire, je t’approuve. Retire-toi de cette vie d’aventures, deviens un bon